vendredi 19 mai 2017

"ZAP peut bien attendre pour les oliviers du moulin à huile de Puyvert ! ..."

Un panier pour faire ses courses avant un moulin à huile sans oliviers


Ainsi pourrait se résumer l'abracadabrantesque histoire du "moulin" de Puyvert qui fait de ce dossier le deuxième exemple le plus emblématique de la consommation d'espaces agricoles à des fins (faims ?) qui ne le sont pas.

L'affaire du domaine de la Valette (voir notre précédent article) était tout à fait prévisible car, quand un marchand de biens s'intéresse à ce type de domaine agricole, il y a fort à craindre que c'est un loup qu'on laisse entrer dans une bergerie et que ses faims seront à la mesure de ses appétits.

En revanche, pour ce qui est du moulin à huile de Puyvert rien ne laissait présager un tour de prestidigitation aussi laborieux et aussi raté.


Tout commence le 19 octobre 2006 quand sort du chapeau du maire de Puyvert un permis de construire accordé à une exploitante en fruits de Lauris afin de créer un moulin à huile sur des parcelles, toutes classées en zone agricole NC au POS. 
En clair, une zone où le règlement précise que "seules les constructions directement liées aux activités agricoles sont autorisées".




Or, sur les quatre parcelles concernées : ... pas la moindre activité agricole !


Tout au plus - mais c'était beaucoup - un joli petit cabanon en pierre sèches qui se faisait modeste pour laisser découvrir l'une des plus belles vues sur le village et le piémont de Puyvert, en arrivant par la D118, au sud.

Cela faisait déjà deux bonnes raisons d'attirer l'attention des services chargés de l'instruction de ce permis de construire.

Nos archives prouvent qu'il y eut beaucoup d'autres bizarreries, étrangetés, anomalies, imprécisions dans ce dossier mais, parce qu'il ne faut jamais dévoiler toutes les astuces d'un prestidigitateur, nous n'en dirons rien ici.

Pour faire court, l'autorisation a été accordée en octobre 2006 par le maire de Puyvert alors même que l'ensemble des services de l'état avaient émis des avis défavorables, ce qui a d'ailleurs donné lieu aussitôt à un déféré préfectoral dont la trace - fort heureusement pour l'agricultrice mais pas pour les protecteurs des terres agricoles - s'est évaporée dans les tiroirs de l'oubli du Tribunal Administratif, quand un avocat en a fait la demande écrite pour tenter de la retrouver.
 

"Magie, magie ... " Mais le tour ne fait que commencer !

En 2008 démarrent les travaux avec des périodes régulières d'arrêt de travaux, en veillant toujours, à chaque fois, que cela ne fasse pas un an : ce serait trop bête de rendre caduque ce permis qui vaut de l'or.

Cliquer sur l'image pour lancer le diaporama

Année après année, mois après mois, l'horrible carcasse de bâtiment en parpaings, visible de loin s'est donc imposée à tous et ... d'autant que...



là où  le permis portait sur "l'extension d'un bâtiment de vieilles pierres" - notre petit cabanon que l'architecte s'était appliqué à bien dessiner - ce bâtiment a été soigneusement laissé à l'abandon au point qu'il a été jugé plus prudent de le détruire un vilain jour de mai 2012 ... sans fleurs ni couronnes, autrement dit sans permis de démolition.

https://drive.google.com/open?id=0B5mAYS4APw7FVm5PLVh2c0JPSk0
" Pffuit  ! " Revivez cette disparition magique en cliquant sur l'image
Les enfants de la région sont venus applaudir au cirque de Puyvert (relire notre article de l'époque) tandis que les passionnés de cabaret se demandaient toujours comment ce tour interminable de prestidigitation allait bien pouvoir se terminer.


C'est le 26 mai 2016, soit dix ans après l'autorisation d'extension du cabanon existant pour en faire un "moulin à huile" qu'ils ont vu sortir d'un coup de baguette magique le panier du moulin de Puyvert, un magasin de produits bio très éloigné de la description du projet, telle que figurant dans le dossier d'instruction du permis de 2006 - et rappelée à l'identique dans le permis modificatif accordé le 25 juin 2013.



EPILOGUE ? ... non pas encore !

Le moulin de Puyvert ouvrira se portes en octobre 2016 toujours sans les oliviers qui devaient être plantés dès 2006 (c'est dans le permis de construire accordé en 2006) .

Du fond du chapeau du prestidigitateur sont enfin tombés - en avril 2017 - les plants d'oliviers ... il ne sera peut-être plus là pour assister à la première extraction des olives poussées dans cette superbe oliveraie.

En conclusion : la faim de bio justifie-t-elle tous ces moyens ?


Faute de nous avoir convaincus de leur volonté de respecter les terres agricoles depuis des années, les élus locaux vantent tous les mérites de ce nouveau commerce de proximité ... et donc d'intérêt général.

Mais l'accès à des produits bio venus de tous les coins du monde, vendus dans une épicerie née de rien sur une terre agricole, est-il une fin (faim ?) justifiant les moyens employés ici ?

D'autant que les nombreux marchés des villages environnants et les points de vente des producteurs locaux ou bio sont autant de circuits courts qui permettent à chacun de s'alimenter avec des produits frais, de qualité et cultivés sur place ou à proximité.

... Et même le Super U de Puyvert vend des produits d'entretien bio.


Quant à l'architecte du Parc Naturel du Luberon qui, dès le début, avait refusé de donner son accord à un tel projet à cet endroit et qui concluait par cette question malicieuse - sans aucun lien avec une autre grande surface commerciale de Puyvert, bien sûr ! -  : " L'arrivée de Puyvert doit-elle être systématiquement marquée par une surface de vente ?", il sera certainement ravi de constater :
  • que sur le parking du panier du moulin de Puyvert viennent s'installer, selon les jours de la semaine, toutes sortes de vendeurs ambulants (pizza, foodtrucks, boucher, poissonnier, vêtements/prêt à porter ...) comme autant d'extensions supplémentaires à ce commerce en terres agricoles qui ressemble en rien aux points de vente encouragés auprès des exploitants agricoles pour promouvoir les circuits de vente courts ;
  • et que le cabanon a été détruit, contrairement à l'obligation faite de le conserver. Ce passage, extrait d'une lettre fournie par la pétitionnaire du PC modificatif de 2013, en donne une explication à laquelle personne n'aurait évidemment osé penser, compte tenu de cette obligation.